Provoquer un schisme au sein d’une formation à laquelle l’on a appartenu pendant près de cinq décennies, avec dévouement, abnégation, détermination, allégeance à ses différents dirigeants, c’est ce que viennent de faire des cadres du Parti démocratique gabonais originaires du Woleu Ntem. Personne ne s’y attendait, tant aucun signe de désamour vis-à-vis de leur ancienne écurie n’était palpable. Curieusement, c’est collectivement qu’ils ont annoncé leur démission tout en sachant, avertis et chevronnés qu’ils sont, que c’est individuellement que l’on adhère à un parti politique, et que c’est aussi individuellement que l’on en sort.
L’acte posé collectivement ne semble donc pas être gratuit. Tout porte à croire qu’il a été téléguidé.
Il y a de fortes chances que le petit séisme politique qui vient de secouer le septentrion a eu pour épicentre le sous-sol du Palais de marbre du bord de mer de Libreville. C’est de là que les ondes semblent s’être ébranlées pour atteindre Oyem, Bitam, Mitzic, Minvoul, Medouneu. Et les dégâts ne sont pas négligeables. Une chose parait sûre, les gravats qui en découlent vont servir à bâtir un nouvel édifice. Le Gabon n’entre –t-il pas dans l’ère des « Bâtisseurs » !
La stratégie semble donc bien huilée. Le Parti démocratique gabonais va désormais être confiné dans ses bastions géo-ethniques traditionnels, le Haut –Ogooué, l’Ogooué- Lolo et dans une moindre mesure l’Ogooué- Ivindo. Il pourrait survivre quelques poches de résistance dans quelques autres provinces du pays, tels la Nyanga, la Ngounié ou le Moyen Ogooué et peut-être dans l’Estuaire
Politiquement, il ne lui restera également qu’une certaine capacité de nuisance. Près de 57 ans de monopole du pouvoir, ce n’est pas rien. C’est largement le temps d’imprimer ses empreintes dans le paysage politique national, d’en avoir la maîtrise du terrain, de bien connaître les hommes et les femmes qui l’animent et par conséquent d’être à même de nuire.
A l’issue des prochaines élections législatives, compte tenu du fait qu’il n’y a pas eu un nouveau découpage des circonscriptions électorales, il est probable, et même presque sûr, qu’il (le PDG) se taillera, comme d’habitude, la part du lion dans le Haut- Ogooué, l’Ogooué-Lolo et grappillera quelques sièges ailleurs. Ce qui risque de lui donner un poids certain au sein de l’hémicycle.
C’est certainement ces appréhensions qu’ont les nouveaux maîtres du pays. Un Parti démocratique gabonais contrôlant une grande partie de l’Hémicycle, sait-on jamais. Cela pourrait s’accompagner de chantages divers, d’intrigues de machinations et de paralysie de l’institution.
Il lui faut donc un contrepoids, notamment dans le nord du Gabon où l’évocation du nom PDG provoque des crises d’urticaire au sein de l’opinion. Personne ne veut plus entendre parler et il est certain que les candidats qui se présenteront sous sa bannière aux prochaines élections législatives ou locales mordront la poussière.
Le contrepoids au PDG, il va donc falloir aller le chercher dans le Woleu Ntem où les « Bâtisseurs » vont désormais s’installer. Problème, ces nouveaux maçons formés dans les centres et écoles de formation de l’ex-parti unique, les populations du septentrion les ont déjà vus à l’œuvre, au pied du mur et le résultat est ce qu’est aujourd’hui le Gabon où tout est à refaire. Quoique munis de nouvelles truelles et arborant un nouvel uniforme, ces maçons nouveaux et anciens pourront-ils bâtir un édifice qu’ils n’ont pu construire plusieurs années durant, presqu’un demi-siècle ?
Le maçon a déjà été jugé au pied du mur.