Tout s’est passé comme une lettre à la poste. Les Gabonais épris de paix et de justice attendaient le procès de l’ex-première dame et de son fils. Un grand déballage qui allait révéler tout ce qui se passait entre les murs et les coulisses du Palais de marbre du bord de mer de Libreville. Ils espéraient que tout allait se dire. Surtout que lors de leur incarcération, les chefs d’accusation énoncés laissaient penser à un procès, comme il n’y en a jamais eu au Gabon. Détournements massifs de deniers publics, trafics de stupéfiants, faux et usage de faux, nous en passons.
Au cours d’une interview accordée à une chaine de télévision étrangère la veille de la dernière élection présidentielle, le président de la Transition qui n’était autre que l’actuel Chef d’Etat fraichement élu avait tout remis dans les mains de la justice. Il soulignait à cette occasion que le code pénal gabonais autorisait deux années d’enquête pour de tels chefs d’accusation et que cette dernière suivait son cours. Il affirmait même que les juges d’instruction étaient déjà en possession de preuves irréfutables.
Puis, et tout d’un coup, certains signes ont commencé à indiquer que les choses allaient s’accélérer, pas comme promis, mais parallèlement à la procédure judiciaire. Il y a d’abord eu cette levée des sanctions de l’Union Africaine. L’annonce fut fracassante et retentissante. Elle fut présentée comme une victoire de la diplomatie gabonaise, le couronnement d’une transition réussie. Et pourtant la plupart des organes de ladite transition sont toujours en place, jusqu’au mois d’octobre prochain. Puis encore, est venue cette visite en terre gabonaise du chef de l’Etat angolais, en même Président en exercice de l’organisation panafricaine, juste après l’investiture de son nouvel homologue gabonais. Tout semble s’être joué à ce niveau.
Les accolades entre les deux hommes masquaient mal l’animosité de départ, lorsque l’Angolais ne voulait pas entendre parler, mais alors pas du tout, d’une levée de sanctions infligées par la CEEAC suite au coup d’Etat militaire survenu au Gabon le 30 août 2023. Il a fallu la pression et la diplomatie d’autres chefs d’Etat de la sous-région pour que ce dernier cède. Ce fut un véritable bras d’honneur et les relations gabono-angolaises en avaient pris un sérieux coup. Curieusement, elles viennent de se réchauffer juste la veille de la libération de Sylvia Aimée Valentin Bongo Ondimba et Noureddin Valentin Bongo Ondimba.
Entre temps, il y a eu une diplomatie de nuit. Officiellement, le chef de l’Etat angolais serait venu à Libreville pour une visite d’amitié à son nouvel homologue gabonais. Et il y a eu cette rencontre avec le Chef de l’Etat gabonais déchu dont la présence sur le territoire national devenait bien encombrante pour les nouvelles autorités du pays. C’est alors que les informations ont commencé à fuiter, faisant état d’une libération de l’ex-première dame et de son fils. En dépit d’un démenti officiel relayé le lundi 12 mai par le quotidien gouvernemental l’ « union », rien n’y fit, la rumeur a continué à s’enfler, avant qu’il ne soit finalement révélé que l’ex-famille présidentielle est arrivée nuitamment à Luanda, en Angola.
Surprise et grand étonnement dans le pays. Depuis lors, les réseaux sociaux en font leurs choux gras. Il est dénoncé une procédure illégale, en dehors de tous les canaux judiciaires. D’aucuns ont remis au goût du jour la problématique de la séparation des pouvoirs entre l’exécutif et le judiciaire et surtout la primauté du premier pouvoir cité sur le second
Acculées, nouvelles les autorités du pays ont été obligées de réagir en mettant en avant toute une chaine d’interventions allant du monde médical à celui de la justice, en passant par les avocats des concernés qui, dit-on, ont bénéficié d’une mise en liberté provisoire à la demande de leur défense au regard de leurs dossiers médicaux. Aurait-il fallu que le Président angolais passe par Libreville pour que l’on en arrive là ? Se demande-t-on dans les chaumières et autres milieux populaires du pays où l’on estime que ce n’est là qu’un montage pour justifier les vices de forme.