Ils ont pris la clef des champs, Ali Bongo Ondimba, Sylvia Aimée Valentin Bongo Ondimba et Noureddin Valentin Bongo Ondimba. D’aucuns en sont émus dans le pays, déversant toute leur bile sur les nouvelles autorités, convaincus qu’ils sont que les illustres fugitifs méritaient la potence.
Et pourtant, ceux-là qui s’en émeuvent aujourd’hui sont les mêmes qui ont récemment voté une Constitution qui concentre tous les pouvoirs dans les mains d’un seul individu, le Président de la République, en en faisant comme par le passé le Président du Conseil supérieur de la magistrature, ce qui confère la primauté du pouvoir exécutif sur le judiciaire.
Dès lors, le Président de la république peut interférer, et même peser de tout son poids, sur les affaires relevant de la justice comme et quand il le veut, même nuitamment. De ce fait, certains Gabonais qui ont fait plébisciter cette constitution ne peuvent donc pas s’offusquer des conséquences qui découlent de cette primauté de l’exécutif sur le judiciaire. Ils doivent tout au contraire l’assumer, eux qui avaient installé un quiproquo tout au long de la campagne électorale d’adoption par voie référendaire de ladite constitution, en mélangeant les choux et les carottes et en amenant d’autres Gabonais, la majorité non avertie, à prendre des vessies pour des lanternes.
Le premier non-dit est donc que les illustres fugitifs ont profité des failles de la nouvelle Constitution pour prendre la clef des champs, puisqu’aucun juge ne pouvait s’y opposer. C’est l’exécutif qui semble avoir décidé, et Les raisons médicales évoquées par le procureur n’auraient été qu’un habillage. Combien croupissent-ils dans les geôles de la Prison centrale de Gros-Bouquet de Libreville, la peau sur les os, souffrant de pathologies diverses et même les plus graves. Et si tant est que l’ex-première dame et son fils sont réellement malades, pourquoi ne les as-t-on pas soignés dans le pays, là où les attend un procès, avait-on dit ?
Autre non-dit, ceux qui connaissent bien les arcanes, les coulisses et les antichambres de la cour de noblesse du Palais de marbre du bord de mer de Libreville depuis des années maitrisent tout aussi les interconnexions, les liens familiaux, les pratiques, les mœurs de ceux qui s’y sont installés des décennies durant. Il ne leur échappe pas qu’entre vies privée et publique, l’étanchéité de la frontière est incertaine ; qu’entre chose publique et biens privés, c’est du pareil au même ; qu’entre sphères politique et militaire, il n’y a pas très grande différence.
Par conséquent, il semble évident que ceux qui se sont séparés le 30 août 2023 ont beaucoup de points communs. Ce ne sont que, comme on le dit très souvent, « des sardines d’une même boîte ». Et lorsque l’on est dans une même boite de sardine, on est conditionné au même endroit, on baigne dans une même huile, on dégage la même odeur. Ce qui veut dire que, s’il s’agissait d’êtres humains, on partage un certain nombre de secrets. Des distensions, voire des divergences peuvent survenir, mais cela ne doit pas déboucher sur un grand déballage, l’omerta doit toujours être de mise. Qui a ordonné de tirer sur les Gabonais en 2009, 2016 et même en 1994 ? Qui avait la main sur la gâchette ? Qui a fait prendre d’assaut le Quartier général de Jean Ping en 2016 ? Qui a fait échouer tel ou tel projet en détournant les sommes destinées ? ils ont tous des réponses à toutes ces questions.
De ce fait, envoyer à la barre Sylvia Aimée Valentin Bongo Ondimba et Noureddin Valentin Bongo Ondimba serait trop risqué ; les secrets risquent dehors, les oreilles entendraient ce qu’elles ne devraient pas entendre. Cela va de la survie et la pérennité du système. Il valait donc mieux leur confier la clef des champs pour qu’ils s’en aillent, c’est fait.