« L’île et la Patrie », ce fut le titre d’un éditorial publié par le quotidien national « l’union » il y a vingt ans. Un éditorial inspiré par le Palais de marbre du bord de mer de Libreville. Beaucoup ne s’en souviennent plus. L’affaire avait fait grand bruit. Un ministre de la République était accusé d’avoir vendu l’Île Mbanié à la Guinée Equatoriale. De retour d’un séjour à l’étranger, le Président Omar Bongo fut interrogé à ce sujet. Sa réponse fut encore plus accusatrice : « la presse a fait son travail ». On était en tout début de la guéguerre de sa succession.
Le ministre visé n’était autre que le regretté André Mba Obame. Et l’on peut penser aujourd’hui que l’inspiration venait d’un certain Ali Bongo Ondimba, avait l’appui de ceux qui le soutenaient à l’époque.
Quatre ans plus tard, en 2009, cette lutte pour la succession a éclaté au grand jour et André y a laissé sa peau. Ce n’était là qu’une parenthèse.
Et maintenant que la Cour de justice internationale vient de laver la mémoire d’AMO, où se sont tapis tous ceux qui revendiquaient son héritage pour réagir ? Ils ont, pour la plupart, la bouche pleine, du côté du nouveau pouvoir. Cette Cour de justice internationale, instance de l’Onu, vient d’attribuer la paternité, des îles Mbanié, Konga, Corrisco, à la Guinée Equatoriale. Le dénouement d’un contentieux qui date de 1972.
Une déculottée pour les autorités gabonaises qu’il serait injuste d’imputer au pouvoir actuel de Brice Clotaire Oligui Nguema, même s’il y aurait à redire à propos des négociateurs de ce dossier qu’il a reconduits. Aux derniers rounds desdites négociations, les Gabonais ont découvert, ahuris que Madame Marie Madeleine Mborantsouo et Ross Ratanga Rignault qui menaient les débats
Qu’à cela ne tienne, le « vin est tiré, il faut le boire », comme on le dit très souvent, même s’il est du très mauvais goût. Les îles suscitées appartiennent désormais, et presque définitivement, au Pays d’Obiang Nguema Mbazo. On comprend dès pourquoi, par anticipation, ce dernier a été si généreux pour offrir un peu d’électricité au Gabon, dans le septentrion.
Les juges internationaux se sont basés sur deux documents historiques, l’un datant de 1990 et l’autre de 1974. Le Premier relève d’un tracé de frontières entre le royaume d’Espagne et la France et le deuxième d’une subvention signée en 1974 entre Albert Bernard Bongo et Macias Nguema. La Cour a estimé que seul le tracé de 1900 est valable. En d’autres termes, seul ce que les colons espagnols et français ont décidé ont droit de cité, pas ce qui relève des Africains eux-mêmes.
Voilà qui repose le problème de l’intangibilité des frontières héritées du colonialisme. Un problème qui a divisé les premiers dirigeants d’Afrique postcoloniale pendant la création de l’Organisation de L’Unité Africaine en 1963 à Addis –Abéba. Entre une plus grande intégration du continent noir dans le cadre des Etats-Unis d’Afrique et l’Afrique des nations, c’est-à-dire un émiettement en micros-Etats, faibles politiquement, économiquement, militairement et culturellement, il fallait choisir. Finalement, c’est la dernière option qui a pris le dessus.
Depuis lors, on ne peut plus compter le nombre de conflits frontaliers ayant opposé plusieurs pays européens. Et ce sont toujours les ex-colons qui tranchent.