« Commission Vérité- Justice et Réconciliation » : la problématique est au goût du jour.

Depuis que la famille d’Ali Bongo Ondimba a pris la poudre d’escampette, la question de la mise en place d’une « Commission Vérité – Justice et Réconciliation » est plus que jamais d’actualité. Beaucoup d’acteurs politiques et de la société civile s’expriment là- dessus et se disent de plus en plus convaincus de la nécessité impérieuse, pour les Gabonais, d’ouvrir leurs cœurs, d’exprimer leurs rancœurs, leurs frustrations, leurs déceptions, leur amertume, de faire leurs deuils en raison de nombreux assassinats politiques perpétrés pendant cette longue période qui a duré cinquante –six (56)  ans, afin de panser des plaies vielles de ces plusieurs années et les voir guérir.

 Cela va de l’avenir du pays. On ne peut soigner des plaies béantes qui s’infectent en les couvrant d’un simple sparadrap dénommé « coup de la libération ». Ces plaies béantes datent de l’époque où Albert Bernard Bongo avait décidé d’instaurer un régime de parti unique dans le pays, avec tout ce que cela suppose comme privations de libertés fondamentales, bafouement des droits de l’homme, répression et brutalités diverses, dépravation des mœurs, faillite de l’économie, paupérisation généralisée de la population.

 Certains y ont laissé leur peau, au moment où d’autres chantaient des louanges au grand « timonier », au « guide éclairé », à « Akoma Mba », à l’homme « infaillible », au « Grand Camarade », tutti quanta ; en même temps qu’ils récitaient les versets du « petit Livre vert ».

 Ces derniers s’agglutinent aujourd’hui, tous, autour de Brice Clotaire Oligui Nguema. Ils ont été les acteurs et décideurs influents des 1ère, 2ème, 3ème et 4ème républiques. Ils sont aussi aux avant-postes de la 5ème.  Grossier subterfuge ! Cachette d’iguane !

Du coup, autant certains Gabonais estiment que cette « Commission Vérité-Justice et Réconciliation doit voir le jour, de même d’autres la craignent, subodorant un piège dans lequel ils risquent d’être pris.

Nous l’avons souvent repris et sans cesse répété, lorsque deux ans avant de s’en aller dans l’au-delà, Omar  Bongo Ondimba s’écria : « Dieu ne nous pas donné le Gabon pour en faire ce que nous sommes de faire… », à qui s’adressait –t-il ?

 A ceux –là qui l’ont accompagné tout au long de son magistère et qui inspiraient les politiques menées. Cette espèce de bourgeoisie parasitaire, rentière, politico-administrative et militaire.

Ils détiennent des secrets ces derniers, et ont des comptes à rendre au peuple gabonais. Des comptes sur les assassinats politiques qui datent des années 70 ; ceux de Germain Mba, Ndouna Dépénaud, les colonels Djoué Dabany et Ntoutoume ; ceux  d’autres victimes des années 90,  Joseph Redjembé Issiani, Martine Oulabou, pour ne citer que ces plus marquantes. Ils ont également des comptes à rendre sur la répression aveugle qui s’était abattue sur les fondateurs du Mouvement de Redressement national (le MORENA) en tout début des années 80, lesquels ne revendiquaient que le retour à la démocratie multipartite dans le pays. Pour cela, ils avaient été cruellement châtiés.

D’autres comptes, ils ont à les rendre au peuple gabonais à propos des évènements survenus dans le pays en 1993- 1994, lorsqu’Omar Bongo perpétra le premier coup de force électoral de l’ère de la démocratie multipartite. Il eut des morts, de nombreuses arrestations, assortis de lourdes peines d’emprisonnement. Les familles en sont toujours meurtries. Le nombre de ces morts n’a jamais été évalué et le préjudice subi par ces familles est lourd. Les responsables restent tapis dans les différentes sphères du pouvoir actuel.

Que dire des évènements de 2009, suite au décès d’Omar Bongo ! La lutte pour sa succession fut rude et âpre. Les résultats de l’élection présidentielle anticipée de cette année furent inversés à la faveur du candidat Ali Bongo Ondimba, au détriment d’André Mba Obame. Foi d’une barbouze de la FrançAfrique, Monsieur Michel de Bonnecorse, à l’époque le Mr Afrique (sic) du Président Jacques Chirac.

 Une fois de plus, Il eut des morts et de nombreux blessés, sans parler des arrestations. Des charniers furent signalés à Port-Gentil ; des informations macabres dont nul ne parle plus aujourd’hui, au moment où la vérité doit être établie sur ces malheureux évènements. Où sont passés les opposants, hargneux et vindicatifs d’hier ? Ils restent motus et bouche cousue. Et pourtant, sept ans durant, de 2009 à 2016, ils avaient secoué le cocotier, exigeant d’Ali Bongo Ondimba toute la vérité. Ils ne peuvent plus parler la bouche pleine.

2016 fut le paroxysme de la répression. Des images de cadavres de Gabonais jonchant le Boulevard triomphal de Libreville ont fait le tour du monde. Ali Bongo Ondimba venait encore d’être proclamé vainqueur à l’issue d’un scrutin présidentiel pour lequel tout le monde savait qu’il avait mordu la poussière face à Jean Ping, dont le quartier général de campagne électoral fut pris d’assaut, les assaillants laissant derrière eux de nombreux  cadavres. Qui étaient ces assaillants ? Qui a donné l’ordre ? Qui avait la main sur la gâchette ?

 La Cour pénale internationale avait été saisie. Des enquêtes furent menées. Puis, plus rien. Ceux-là qui prétendaient en faire leur cheval de bataille et qui remuaient ciel et terre pour que la vérité éclate sont devenus muets telles des carpes de l’Ogooué et du Como, depuis le 30 août 2023. Où sont passés les charniers que l’on indiquait du côté de la Cité de la Démocratie ? Nul n’entend plus parler. Les familles s’impatientent et ont perdu tout espoir. Pendant sept ans, on leur avait promis vengeance, au nom d’une « résistance » proclamée, en vain. Tout ce qu’on leur a offert, c’est une « libération » des « has been », lesquels quittent par les temps qui courent, et par fournées, le « bateau PDG », pour s’embarquer dans un nouveau à bord duquel se mettent en place des « Bâtisseurs ».

 Au double plan économique et social, toujours dans son discours mémorial sus-rappelé, Omar Bongo Ondimba avait dressé l’inventaire des sociétés publiques et parapubliques qui avaient fait faillite ou que l’on avait été obligé de privatiser, à cause d’une gouvernance économique et financière scabreuse : Air-Gabon, Air-Affaire Inter, Octra, Ciment du Gabon, Gabon-télécom, Africa no 1,  Hôtel Intercontinental Okoumé Palace, Hôtel Rapotchombo, SEEG, Soubara, Sossuo, Agro-Gabon, Hévégab, Banque de crédit rural, Banque gabonaise de développement, Sogacel, la Poste, nous en passons. Quels sont ceux-là qui étaient aux commandes de toutes ces entreprises et sociétés ? Beaucoup sont aujourd’hui tapis à l’ombre du nouveau pouvoir et mettent sur le dos du seul Ali Bongo toutes ces faillites, quand ce n’est pas Alain Claude Bilié By Nze.

En s’offusquant  de la fuite de la famille d’Ali Bongo Ondimba, tout en exigeant que justice soit faite, ceux-là qui ruent sur les brancards oublient qu’il n’y a pas qu’Ali Bongo qui pourrait répondre de ses actes. Dans le pays, pas très loin d’eux, dans les hautes sphères même du pouvoir, il y en a qui n’ont aucun intérêt à ce que se tienne une « Commission Vérité- Justice et Réconciliation. Ils freineraient toujours des quatre fers afin que ce grand déballage n’ait lieu, au risque de s’auto-flageller.

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