Perte de l’île Mbanié : le scandale financier du siècle

Les frontières entre pays africains sont artificielles. Ce n’est là qu’une lapalissade. Elles ont été tracées au gré des appétits et des intérêts économiques et géostratégiques des anciennes puissances coloniales. Elles n’obéissent à aucun critère, ni anthropologique, ni sociologique, ni géographique,  ni historique et encore moins culturel. Il fallait se partager le continent noir, chacune de ces puissances s’adjugeant une parcelle du territoire. Pourvu que l’on y trouve des richesses naturelles importantes ou qu’on y soupçonne leur existence. Ce dépeçage de l’Afrique a éparpillé les mêmes familles, clans, tribus et ethnies entre micro-territoires, conformément à la logique bien connue de « diviser pour mieux régner ».

Il en est ainsi des frontières entre le Gabon et ses pays voisins dont le Cameroun, le Congo- Brazzaville et la Guinée équatoriale. S’y retrouvent écartelés et disséminées, les mêmes familles appartenant aux communautés ethnolinguistiques Fang, Punu, Téké, Vili, kota, Bayaka, Djem et quelques autres minorités ethnolinguistiques encore.

 Pour toutes ces communautés, ces frontières ne sont que des vues d’esprits, des tracés fictifs, des réalités politiques et administratives. Elles ne s’y reconnaissent presque pas, en dépit des velléités micro-nationalistes entretenues par les élites au pouvoir dans ces différents pays imposés par l’entreprise coloniale.

Lors de la création de la défunte Organisation de l’Unité africaine à Addis-Abeba en 1963, le problème de ces frontières artificielles avait été posé. Pour quelques leaders africains, visionnaires et panafricanistes, tel le Ghanéen Kwamé Nkrumah, ces dernières héritées du colonialisme, que l’organisation panafricaine (l’OUA) avait déclaré intangibles (sic), présentaient un danger quant à l’avenir du Continent noir .Maintenues comme telles, elles l’affaibliraient politiquement, économiquement, culturellement et militairement face aux assauts hégémoniques de méga-nations qui existaient déjà ou qui se constituaient, avaient-ils prévenu. Elles engendreraient  de surcroit des conflits frontaliers à ne plus en finir, avaient-ils averti.

 On en est là depuis que l’Ethiopie et la Somalie se sont affrontées à propos de l’Ogaden, la Libye et le Tchad concernant la bande d’Aouzou, le Cameroun et le Nigéria à propos de l’île de Bakassi, le Mali et la Haute Volta à propos de leur frontière commune, la Tanzanie et l’Ouganda ont connu le même type de conflit, il en est de même du Rwanda et du Burundi, de la RDC et du Rwanda, du Cameroun et du Gabon , les exemples sont légion.

Le cas de la Guinée équatoriale et du Gabon n’est donc pas isolé. Il y en aura d’autres, tant que l’Afrique restera morcelée en micro- Etats sans avenir politique, économique, social, militaire et culturel.

 Dans ce cas de la Guinée équatoriale et du Gabon, qui défraie actuellement la chronique, le plus cocasse, pour ne pas dire le plus  triste, est de noter que les frontières entre les deux pays ont été tracées conformément à une ligne droite imposée par les colons français et espagnols au mépris des peuples concernés. Cela s’est fait en 1900 à Paris, loin de la zone géographique intéressée et répétons-le, sans tenir compte des avis des peuples qui y habitent. Que valaient les avis de Nègres par rapport à la volonté exprimée par ceux-là qui étaient censés accomplir une mission civilisatrice !

Revenons à l’actualité brûlante. Pour débouter le Gabon, la juridiction internationale qu’est la Cour internationale de justice s’est appuyée sur le fait que le seul titre valable en droit international est la Convention signée en 1900 entre la France et l’Espagne et non celle de Bata signée elle en 1974 entre les présidents Albert Bernard Bongo et Macias Nguema . Il est  précisé que cette dernière n’étant guère un traité faisant droit dans les relations internationales,  ne constitue pas un « titre juridique au titre du paragraphe 1er du compromis ».

C’est à ce niveau qu’intervient l’escroquerie du côté gabonais. Ou les experts du pays, historiens, géographes et surtout juristes du pays, ignoraient qu’il en est ainsi, que les traités internationaux primaient sur des arrangements entre chefs d’Etat, même souverains ; ou alors ils ont feint de l’ignorer.

 La deuxième hypothèse est la plus plausible. Cette hypothèse a permis à certains cols blancs du pays de s’engraisser  financièrement, au nom des négociations menées à propos de ce différend frontalier. Depuis 1972, de fortes délégations d’hommes politiques, d ‘historiens, de géographes, avocats et autres experts dans des matières diverses, se rendaient en Suisse, avec de faramineux frais de missions et des séjours dans des hôtels luxueux de 5 étoiles, nourris aux petits oignons, pour prétendument défendre la cause du Gabon, tout en sachant qu’ils ne disposaient pas d’arguments solides à faire valoir, en dehors d’une photocopie d’une convention dont on ignore aujourd’hui où est passée l’originale. Cela a duré plus d’un demi-siècle.

Le biberon vient de leur être ôté de la bouche, même s’ils ont eu le temps d’amasser un important pactole. Comme quoi le malheur du Gabon peut faire le bonheur de certains.

Laisser un commentaire